Gareth Liddiard - Strange Tourist (2011, ATP, 67 mns)
Eric F.
On sait bien que ce genre de "trophée" ne veut au final jamais dire grand chose, mais que le Shark Fin Blues des Drones ait été élu "meilleur morceau australien de tous les temps" par un panel (forcément représentatif) de musiciens australiens en dit quand même long sur les capacités d'écriture de Gareth Liddiard.
Que Liddiard s'échappe (momentanément) de son groupe le temps de ce Strange Tourist n'est d'ailleurs pas une surprise. De son propre aveu, l'intense chanteur a reconnu avoir besoin d'un break des guitares incisives et vrombissantes de son groupe. Et si The Drones a réussi à bâtir sa réputation à la force d'un garage rock sans concession, il ne faut pas oublier pour autant que son leader nous avait donné quelques signes avant-coureurs de ses envies acoustiques, notamment sur le fascinant Sixteen Straws, qui clôturait de la plus belle des manières l'incontournable Gala Mill.
Si les quelques titres acoustiques d'Havilah, dernier album en date du groupe, semblaient moins éprouvants pour nos nerfs (le très pop Your Acting's Like The End Of The World en tête) on comprend bien vite à l'écoute de Strange Tourist que ça n'est pas parce que la distorsion a disparue que Gareth Liddiard en a pour autant abandonné ses structures alambiquées et interminables (les morceaux s'étirant ici de cinq à seize minutes)
Autant le reconnaitre, ce disque est particulièrement exigeant, de surcroit pour quiconque ignore tout de The Drones, ainsi que de la langue de Shakespeare, la qualité des textes de Liddiard étant loin d'être étrangère à sa renommée. Blondin Makes An Omelette, ouverture de Strange Tourist, lance les hostilités de fort belle manière en narrant les exploits du funambule français Antoine Blondin du point de vue de son assistant débarqué. Comme souvent, tout cela fait froid dans le dos, tant la précision chirurgicale des textes explorant la noirceur de l'âme humaine est efficace : "But I ain't here because he's tall, I'm only here to see him fall, If I get on the wagon now, It'll only be to run him down".
Strange Tourist est donc un album qui s'écoute en prenant le temps, livret à la main. Le relativement fébrile Highlands Mailman mis à part, chaque chanson de ce disque captive et renforce un peu plus la crédibilité de Liddiard en tant que fascinant songwriter.Si Strange Tourist est la chanson qui s'approche le plus d'un morceau pop (toutes proportions gardées bien entendu) le morceau phare de l'album se trouve en dernière position, comme un clin d'œil à Sixteen Straws : The Radicalisation Of D., chanson librement inspirée par David Hicks, jeune australien embrigadé par Al-Qaeda au Pakistan avant un détour par la case Guantanamo. A l'instar de Sixteen Straws, la grille d'accords est réduite à sa plus simple expression pendant ces seize minutes, où Liddiard réussit un véritable tour de force, évoquant la vie de son personnage avant d'opérer un incroyable virage pour évoquer le 11 septembre sans jamais verser dans le pathos, sa voix possédée faisant tout le travail.En ajoutant à celà des titres du calibre de Did She Scare All Your Friends Away ou You Sure Ain't Mine Now (même si les falsettos ne sont pas entièrement convaincants) qui reprennent le thème plus commun des amours contrariés tout en gardant une écriture tout aussi originale que de haute volée, Strange Tourist s'inscrit à contre courant de la tendance actuelle des albums plaisants, mais vite digérés.
Véritable ovni, ce disque confirme que Gareth Liddiard possède une vision très particulière de l'ancestral combo guitare acoustique / voix. Son statut de songwriter hors normes n'en est plus que confirmé, une fois de plus.
1. Blondin Makes An Omelette2. Highplains Mailman
3. Strange Tourist
4. You Sure Ain't Mine Now
5. The Collaborator
6. Did She Scare All Your Friends Away
7. She's My Favourite
8. The Radicalisation of D.
Le site des Drones
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