vendredi 23 septembre 2011

R.I.P. R.E.M. (1980-2011)

R.I.P. R.E.M. (1980-2011)
Eric F.

Trente et un ans d'existence pour quinze albums... C'est sur ces chiffres que R.E.M. a décidé de terminer son aventure dans le monde du rock, qu'il aura incontestablement marqué de son empreinte. Un simple communiqué sur le site officiel du groupe aura fait office de faire-part de décès.

Voilà qui prouve bien que le groupe aura rarement fait les choses comme les autres, en cette période de reformations tous azimuts. On pourra toujours s'amuser à se perdre en conjonctures sur le pourquoi de cette séparation... Et les pistes ne manquent pas : peut-être que le groupe n'aura jamais retrouvé son niveau d'antan après le départ de son batteur Bill Berry (des albums rarement entièrement convaincants après le New Adventures In Hi-Fi de 1996, Up excepté.) Peut-être que R.E.M. n'aura jamais digéré non plus ce titre de "meilleur groupe de rock du monde", récolté après deux albums acoustiques suivis d'un grand disque incompris (Monster simple album de "pseudo grunge" ? Allons...). Peut-être est-ce ce "new deal" signé avec Warner Bros. en 1996 pour... 80 millions de dollars (!?!) qui aura achevé à petit feu le groupe d'Athens, GA. Ou bien encore Michael Stipe a fini par se rendre compte que son écriture en pilotage automatique ne lui permettrait bientôt plus d'intéresser grand monde. "Heureusement" pour lui, il lui reste toujours son sexe, qu'il exhibe fièrement sur le net depuis peu (on laissera les curieux/voyeurs chercher ce méfait par eux-mêmes). Quoi qu'il en soit, les fans se retrouvent désormais avec leurs yeux pour pleurer et leur porte-feuille à alléger, puisqu'un un inévitable package greatest hits, au titre révélateur d'un certain malaise (Part Lies, Part Heart, Part Truth, Part Garbage: 1982-2011), est annoncé pour le 15 novembre prochain. Pas question cependant d'oublier l'incroyable parcours de cette atypique formation, ici synthétisé en dix morceaux. Pour le fameux menu best of, vous pouvez dores et déjà rebrousser chemin...

01) Sitting Still (Murmur, 1982)

On a aujourd'hui du mal à s'en rendre compte, mais on se demande encore comment un disque du calibre de Murmur (1982) a pu imposer R.E.M. dès son coup d'essai au début d'une décennie musicale qui ne brillerait pas par sa qualité, ni sa créativité. Des arpèges carillonnants de Rickenbacker pourtant passés de mode depuis The Byrds. Des lignes de basse mélodiques et bien en avant. Un chanteur pour le moins particulier aux textes extrêmement cryptiques et marmonnés : Il n'y avait pas grand chose pour prédisposer le quatuor géorgien à la première place des classements de fin d'année, devant des méga-stars telles que Police ou Michael Jackson... R.E.M. aura indubitablement construit son succès par la grâce de tournées incessantes dans toutes les villes des Etats-Unis prêtes à les accueillir. Ce qui nous vaudra par la suite des anecdotes plus que croustillantes de la part de Peter Buck...

02) Old Man Kensey (Fables Of The Reconstruction, 1985)


Fables Of The Reconstruction est loin d'être le disque le plus populaire de R.E.M., mais il n'en est pas moins un des plus intéressants. Album conceptuel sur la mythologie du sud des Etats-Unis (la reconstruction du titre faisant référence à une contrée ravagé par la Guerre de Sécession) enregistré sous le morne climat londonien, Fables... correspond à la première période de crise traversée par le groupe. L'enregistrement compliqué, pour un groupe totalement déboussolé dans la froide et perfide Albion, laissera des séquelles importantes à un Michael Stipe fort instable sur la tournée suivante, entre son "I'm a dog" inscrit au marqueur sur son crane et ses teintures à la moutarde. Fables Of The Reconstruction n'en reste pas moins un disque qui brille par ses morceaux, révélant R.E.M. sous un jour plus aventureux (Feeling Gravity's Pull en ouverture, magnifique révolution).

03) Fall On Me (Life's Rich Pageant, 1986)

Fall On Me est la parfaite démonstration de l'engagement politique dont R.E.M. a su faire preuve tout au long de sa carrière. Bien avant qu'elle ne devienne un sujet inévitable pour tout homme politique ambitieux, l'écologie tenait déjà extrêmement à cœur au groupe, qui transpose ici le concept d'Asterix du "ciel qui nous tombe sur la tête." Pour ne rien gâcher, on tient là une des plus belles prestations de Mike Mills en tant que soutien vocal de Michael Stipe. L'album évoque également l'impérialisme américain, notamment les interventions militaires en Amérique Centrale (Flowers Of Guatemala, Cuyahoga...). Premier "vrai" disque de rock pour le groupe, Life's Rich Pageant voit R.E.M. confier sa production à Don Gehman, croisé chez... John Cougar Mellencamp.

04) The One I Love (Document, 1987)

Document marque incontestablement une période charnière pour le groupe : rencontre avec le producteur Scott Litt qui officiera avec R.E.M. jusqu'en 1997, départ du label I.R.S. pour l'ogre Warner Bros., premier album à dépasser le million d'exemplaires vendus... Si le disque doit en partie son succès aux deux singles The One I Love et l'inénarrable It's The End Of The World As We Know It (And I Feel Fine) qui devrait faire un carton aux alentours du 21 décembre 2012, l'approche plus compréhensible du chant de Michael Stipe est loin d'y être étrangère.The One I Love subit pourtant le même traitement que le Born In The U.S.A. de Bruce Springsteen, totalement incompris par le grand public qui interprétera la chose comme la déclaration d'amour idéale. Le "This one goes out to the one I love" est pourtant immédiatement contredit par un cinglant "Another prop, to occupy my time." On se doute bien que le groupe préféra en rire, l'ironie de la chose étant trop belle pour ne pas être relevée...

05) Country Feedback (Out Of Time, 1991)

Oui, nous oserons évoquer R.E.M. sans aborder son improbable single Losing My Religion (y a-t-il encore un endroit sur terre où ce morceau n'a pas été diffusé ?). Pas folk, mais certainement pas rock non plus, Out Of Time fait pourtant exploser le groupe à la face du monde. On aurait donc pu cracher sur le honteux Shinny Happy People ou louer les débuts de Mike Mills en tant que chanteur principal sur les réussis Near Wild Heaven et Texarkana. Mais Country Feedback s'est imposé de lui même. Ça n'est pas un hasard si Michael Stipe a souvent présenté ce morceau sur scène comme son préféré du catalogue du groupe. Et les remophiles savent également que la chanson garantissait forcément un solo d'anthologie de Peter Buck par concert, lui qui était pourtant loin d'apprécier l'exercice. Cette version, tirée du dvd Road Movie, en est sûrement la meilleure illustration.

06) Find The River (Automatic For The People, 1992)

Si Out Of Time change radicalement l'identité de R.E.M., le groupe poursuit sa carrière sans aucune compromission : refus de tourner, voire même de jouer live (un MTV Unplugged et quelques concerts acoustiques sous le nom d'emprunt de Bingo Hand Job, et basta). Peter Buck en profite même pour disparaitre de longs mois au Mexique... Et pourtant... Le groupe réalise un nouveau casse avec un Automatic For The People, une nouvelle fois porté par un single planétaire (Everybody Hurts pour ne pas le nommer). Bien loin de la "légèreté" de son prédécesseur et magnifié par des arrangements de cordes signés John Paul Jones (Led Zeppelin), Automatic For The People restera comme le disque le plus sombre et introspectif du groupe. Presque intouchable, chaque membre se sera éloigné de son instrument de prédilection avec réussite (le riff de Man On The Moon venant d'un Bill Berry qui fait glisser un accord de do en essayant d'attraper une bière), tout cela pour servir des chansons portées par une écriture d'un niveau impressionnant. Michael Stipe devient officiellement une rock star et subit alors les aléas de son nouveau statut, notamment de vilaines rumeurs sur son état de santé (Mike Mills allant même jusqu'à assurer aux médias inquiets que son compère n'était pas porteur du virus du Sida). Un nouveau break s'impose alors, toujours sans passer par la case tournée.

07) Let Me In (Monster, 1994)

Lassé de passer pour un groupe de salon, R.E.M. rebranche ses guitares deux ans plus tard pour un Monster sorti en plein début de la fin du règne grunge. Beaucoup de critiques furent assez virulents sur ce prétendu opportunisme qui eut au moins le mérite de donner naissance à une très bonne blague (souvent involontaire) stipulant que le troisième album du groupe est étonnamment rock. On imagine aisément la réaction des amoureux transis de Losing My Religion quand l'imparable single What's The Frequency, Kenneth ? déboula sans crier gare... On préfèrera quand même retenir que c'est un Peter Buck, abasourdi par la prestation commune de Neil Young et Pearl Jam sur un dantesque Rockin' In The Free World aux MTV Music Awards de 1993, qui foncera racheter des pédales de distorsions. Et au beau milieu de ce disque que Michael Stipe qualifie volontiers d'un peu "pute" (on décele quelques traces de glam rock), se retrouve un Let Me In à fleur de peau, dédié à un Kurt Cobain que le chanteur désormais chauve ne réussit pas à sauver. La collaboration prévue entre les deux groupes avait pourtant de quoi faire saliver...

08) Lotus (Up, 1998)

Fortement marqué par la rupture d'anévrisme qui failli lui être fatale un soir de Monster Tour à Lausanne (en plein milieu du slow-guimauve Tongue pour être précis) et désormais plus intéressé par sa ferme que les tournées mondiales, Bill Berry décide de quitter R.E.M. après presque vingt ans de bons et loyaux services. Le suspense quant à la survie du groupe ne dure pas longtemps, Michael Stipe déclarant presque dans la foulée qu'un "chien à trois pattes reste toujours un chien." L'envie du désormais trio d'éviter le rock d'un Monster et d'un New Adventures In Hi-fi aussi fourre-tout que réussi est somme toute assez compréhensible. Et c'est à la surprise quasi générale qu'Up s'impose, ses boites à rythme et ses synthés analogiques faisant le job en finesse. On ne savait pas encore que commençait ainsi la lente descente aux enfers du groupe...

09) Leaving New York (Around The Sun, 2004)

Enregistré aux Bahamas par un groupe totalement désintéressé par sa propre musique (Peter Buck avouera un peu plus tard avoir plus passé de temps en studio collé à son Ipod qu'à faire quoi que ce soit d'autre), R.E.M. n'échappe pas au plantage intégral après un Reveal sauvé de justesse par de trop rares morceaux convaincants (Imitation Of Life, She Just Wants To Be...). Les rumeurs de séparation de l'époque sonnent alors comme un moindre mal, tant le disque pue le plantage dans sa globalité. Le premier single, Leaving New York, échappe au massacre mais n'en propose pas moins un groupe en bout de course, englué dans ses formules et incapable de faire avancer le schmilblick d'un pouce. On ne s'attardera pas sur les paroles, d'une inanité confondante ("It's easier to leave than to be left behind"). S'il fallait brûler un disque de la discographie de R.E.M., ça serait celui-ci.

10) Living Well Is The Best Revenge (Accelerate, 2008)

Le très punk Accelerate aura eu le mérite de remettre les pendules à l'heure avec ce second "retour au rock" abrasif. Avec ses onze titres en à peine trente cinq minutes, Accelerate ne perd pas de temps en route, porté en cela par une ouverture tonitruante (le trio Living Well Is The Best Revenge / Man-Sized Wreath / Supernatural Superserious). Si Mike Mills n'ira pas jusqu'à ressortir ses costumes à paillettes de la tournée Monster, on se demandera si on ne rêve pas en entendant la Rickenbacker de Peter Buck redevenue rageuse. Plus qu'inquiétant au niveau des textes lors des livraisons précédentes, Michael Stipe brille de nouveau de mille feux et sent l'urgence à plein nez. Tout aussi enthousiasmant sur scène, R.E.M. donne à nouveau l'impression de pouvoir s'imposer comme un groupe majeur.

Voilà qui explique pourquoi ce Collapse Into Now, un peu trop décousu pour être honnête, aura finalement été reçu avec indulgence. Fans comme critiques, tout le monde se sera accordé sur sa faible importance dans la discographie de R.E.M., tout en nous évoquant le plaisir procuré à "relever les compteurs". Ceux-ci resteront désormais bloqués sur une décision sûrement beaucoup plus justifiable que ce que les fans hardcore du groupe voudront bien admettre. Et s'il est bien trop tôt pour se prendre à rêver d'une éventuelle reformation, nul doute qu'on pourra encore mesurer l'impact du groupe sur le monde du rock pendant de nombreuses années.

4 commentaires:

Pabl. a dit…

another boring article.

grampish a dit…

and another insightful comment.

La bUze a dit…

bien beau résumé de carrière, j'adhère (et vais quand même jeter une oreille au prémonitoire 'Collapse into now'!

Alfie a dit…

RIP NFY (2011 - 2011)?

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