vendredi 5 août 2011

La fausse bonne musique en France, épisode II : Cocoon: Burn, Ukulélé, Burn


"Une des plus belles raisons de saluer les forces vives du pays". Ainsi, Les Inrocks présentent-ils la nouvelle œuvre du duo clermontois Cocoon, censé être un des fers de lance de la qualité France qui a "su trouver son public".
Entrons dans le vif du sujet: le duo auvergnat, après le succès platiné de leur album à musique publicitaire précédent, nous embarque de nouveau pour un "trip", cette fois avec notre nouvelle amie Yum yum la baleine, toujours avec Chupee le ukulélé, pour un conte merveilleux, rempli de bisounours, de soleil, d'un peu de mélancolie pour faire un peu pleurer les midinettes, mais pas trop quand même. De quoi commencer à être irrité. Tout au long de notre voyage fantastique, on va croiser toute une galerie de noms et de personnages haut en couleur, Dee-do, Baby tiger, Dolphins, il y a même une chanson qui s'appelle sushi, et c'est mignon sur les photos, la fille du groupe fait un bisou à un petit chat. On l'aura compris, on est donc au mieux à Marineland ou à Eurodisney.

Ensuite, l'irritation face à tant de mièvrerie niaiseuse, devient courroux, lorsque viennent les influences, qui, on l'aura tous compris, sont Elliott Smith, Neil Young, M Ward, Sparklehorse etc etc etc. Ou comment, avec un peu de name dropping de bon goût, faire passer de la variété emballée comme un sandwich d’autoroute, adoubée par l'intelligentsia, pour de la musique de qualité fort bien référencée. Cette nouvelle technique qui consiste à avoir des influences artistiques absolument irréprochables, s'est répandue comme une trainée de poudre dans l'Hexagone des dernières années, avec la soi-disante vague "folk" qui traverse le pays. Tous ces groupes pondraient donc des bluettes variétochales complètement creuses, avec comme démarche artistique de faire chantonner un refrain sympa dans son auto en allant au boulot. Mais non ce n'est pas de la variété, c'est les Elliott Smith français.

C'est assez. C'est bien trop. Cocoon et leur Chupee d’ascenseur bon marché, comme tant d'autres aujourd'hui, n'ont juste rien à dire. Aucune urgence. Aucune profondeur, pas de tripes ni de grandeur d’âme ici, juste un mauvais anglais, des refrains millimétrés Le Mouv', une production léchée pour ne pas frotter l'oreille, un mastering FMisant, une paire de chansons à stade, pour faire taper dans les mains sur les festoches, un timing de 3'30. C'est tout ce qu'ils ont. On ne peut certes pas admirer comme un acte romantique et désespéré la triste fin d'Elliott Smith, mais Elliott lui, a vécu son art jusqu'au bout, composait avec son ventre, avait mille choses à nous raconter, mille histoires de gens abimés croisés ça et là dans ses errances d'ivresse et de came. Sous ses allures de pop singer, Smith était une sorte de Bukowski ou de Fante lunaire et hypersensible, eux qui ont si bien dit leurs dérives avec, comme lui, Los Angeles pour terrain de jeu, du romantisme au sens noble et viscéral du terme.

Alors comprenez que lorsqu'en ouvrant Les Inrocks, on peut lire: "On trouvera, sur le deuxième album de Cocoon, le meilleur morceau de l'année d'Elliott Smith : il s'intitule Mother, et il est beau comme une maman", que le morceau en question reprend presque en entier une grille d'accord de ce même songwriter, et qu'il déroule seconde après seconde des paroles plus débiles les unes que les autres ( "why did I find a broken rose in your bed"), avec un accent austro/hongrois au mieux, on en vient donc logiquement à ne souhaiter qu'une chose, que Yum Yum la baleine se retourne contre ses créateurs, et les bouffe tous deux, en n'oubliant pas le ukulélé.


Rob Gordon

Episode I : Yodelice, coma caméléon
Episode III : Julien Doré, le Vichyste

7 commentaires:

La bUze a dit…

C'est pas très gentil cette série... j'aime bien !
Le genre qui peut durer un petit moment (Coming soon, Moriarty, ...)

NonooStar a dit…

On admirera également un aspect de Cocoon passé sous silence dans cet article : l'opportunisme hipster !

Le groupe a trouvé sa formule pour attirer l'attention et livre régulièrement des reprises "décalées" de gros tubes FM comme Hey Ya (Outkast), Empire State of Mind (Jay-Z) et maintenant American Boy (Estelle). C'est tellement ironique ! Ça plaît aux hipsters et aux midinettes qui se veulent vaguement indie. Ça permet de faire le buzz sans jamais avoir à déployer une once d'inventivité ou de talent.

Kodak a dit…

L'intérêt d'artistes comme Cocoon en France, c'est de permettre à la presse musicale française de dire d'une certaine façon "Nous aussi on a des artistes de la même trempe qu'Elliott Smith, écoutez!", comme s'ils avaient un certain complexe vis-à-vis scène musicale anglo-saxonne... du coup, une scène musicale française en perte d'identité musicale qui se contente de pomper sur les succès anglo-saxon, ça les arrange!

Dashgami a dit…

Aïe...
J'aime pas Cocoon non plus; mais je trouve audacieux et certainement assez frustrant de vouloir chercher "l'urgence", "la profondeur","les tripes" ou la "grandeur d’âme" dans le folk, où généralement, on cherche le minimalisme musical et souvent la poésie bien perchée... Le folk a part essence un gout de marshmallow au barbecue, de combi VW qui sent la baise, et parfois même de printemps ensoleillé (ou dépressif) ...
En gros,on est d'accord que ça pisse pas bien loin Cocoon, mais ça pourrait difficilement déchainer les foules et lancer le public dans un putain de pogo...

Les chanteurs folks français qui marchent bien, je veux dire, qui font des trucs honnêtes, respectables et qui en plus d'être professionnels ont vraiment du talent... on a qui??
Hugues Auffray? La Maison Tellier?

Ptet qu'il faut juste arrêter et laisser ça aux ricains et point barre.

Mais ouais, je comprends qu'évoquer l'Eliott c'est le coup de grâce; impardonnable quand on livre une copie de classe de musique de CE2. mais ça c'est l'emballage moderne. Est-ce une raison suffisante pour refuser de sauver Moby Dick? Ptet pas, mais ça suffit tout à fait à faire une très agréable série d'articles aux indéniables vertus cathartiques ...

Kodak a dit…

Mince pas moyen d'éditer...
*vis-à-vis de la

Kodak a dit…

Bon, je me suis mis à écouter un peu Cocoon, pour voir... eh ben...

Cette reprise:
http://www.youtube.com/watch?v=mP0q10myCJI

C'est assez éloquent du manque d'intelligence de Cocoon, sans le groove, la chanson n'est plus rien... à la place on a droit à une reprise apathique, naise, et tellement banale...

"Le groupe a trouvé sa formule pour attirer l'attention et livre régulièrement des reprises "décalées" de gros tubes FM comme Hey Ya (Outkast), Empire State of Mind (Jay-Z) et maintenant American Boy (Estelle). C'est tellement ironique !"

Et encore, sur wiki je lis qu'ils ont repris Tokio Hotel (Monsoon) et Pussycat Dolls (Don't Cha).

Kalev a dit…

@Dash:

Euh, tu parle de quel folk là ? Je fait peut-être de la surinterprétation, mais j'ai l'impression que tu te focalise sur quelques standards dont je ne vois pas trop les critères de sélection, et que tu évacue complétement le néofolk, la dark folk, le folk celtique et/ou médiéval et toutes les ramifications liées de près ou de loin aux scènes gothiques et metal.
Parce que ça change tout à la suite de ton message.

Premièrement, les Français n'ont pas qu'Hugue Auffray, il y a aussi Stille Volk ou bien Les Discrets qui ont sorti quelques perles dark folk comme celle-ci http://www.youtube.com/watch?v=DLiCbqyIsTU . C'est pas pour faire mon Super Dupont, mais arrêtons nos complexes de frankaoui qui ne sont qu'une autre façon de nous regarder le nombril ; les scènes gothiques et metal suscitées recèlent pas mal de surprises à ce niveau, n'importe quel fan amerloque de Gojira t'en convaincra.

Ensuite, l'idée qu'il faille laisser ce genre aux ricains, c'est de la fumisterie. Mais je pense de toute façon fumiste de dire ça pour n'importe quel musique "populaire", celles-ci sont une culture mondiale, digérée par les talents locaux depuis belle lurette. Les anglais de Death in June et Sol Invictus, les néerlandais d'Omnia, les italiens de Corde Oblique, les allemands de Neun Weulten, sont très loin de compter pour du beurre, et je pourrais encore compliquer en citant les hybridations folk metal qui prospèrent partout en Europe (un groupe roumain chantant dans sa langue -Negura Bunget- qui fait une tournée internationale avec Enslaved, ça te surprend, je suppose ?)

Comme toujours, les plus gros élitistes sont ceux qui ne cherchent pas assez loin du mainstream.

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