mercredi 14 septembre 2011

WU LYF, et si quelque chose coinçait ?


Défendu avec ferveur dans ces colonnes il y a peu, le groupe Mancunien a vu son avènement se cristalliser en couverture des sacro-saints Télérama et consorts.


Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, Wu Lyf sortait alors Go Tell Fire To The Mountain, avec sa pochette en collage très tendance, qui devrait faire des émules pour les cinq années à venir. L'envie de croire en ce groupe fut en effet tentante. Une voix criée, des chansons hors format, une énergie live évidente, un soupçon du vent de folie que l'on peut rechercher dans le frisson de la nouveauté. Oui, mais voilà. L'écoute et la réécoute attentive du disque, l'imagerie qui entoure Wu Lyf, ses vidéos, ses symboles, tout ça peut amener à se poser quelques questions, voire à émettre quelques doutes.

Le concept même de "collectif" revêt lui même désormais une connotation arty, engagée, où l'on envisage la musique comme une simple pièce du puzzle idéologique, visuel et médiatique, après que les Canadiens de la galaxie Constellation en aient fait leur marque de fabrique. L'enregistrement dans une église ne peut que rappeler l'aspect mystique, voire mythologique qui entoure les Montréalais d'Arcade Fire. Et que penser de cette imagerie, entre symboles religieux détournés, références à Lucifer, assortis à des images de rébellion de la jeunesse ? Que penser de la posture adoptée face aux médias, qui consisteraient à faire passer ces jeunes pour "difficiles d'accès", qui ne parleraient pas à la presse musicale anglaise, jugée trop superficielle, trop trendy par ces derniers... pour accorder pléthore d'interview à la presse française et étrangère... qui serait elle garante du contenu, de la subversion artistique, et qui ne céderait pas aux sirènes de la mode ? Tout cela semble un peu paradoxal, et on ne peut s'empêcher de se dire que ces jeunes gens de 19 ans ont déjà énormément réfléchi à leur image, à leur plan de com', voire un peu plus grave... à leur stratégie marketing.

Il y a en effet un paradoxe certain à défendre le geste philosophico-commercial, visant à permettre à l'acheteur du premier 7' de Wu Lyf, d'adhérer à la Wu Lyf Army et de bénéficier notamment de tarifs réduits sur les concerts, d'impliquer l'auditeur de façon interactive dans la vie du groupe, pour lui donner l'impression qu'il est un peu spécial, tout en participant à un festival organisé par un hebdomadaire culturel français, avec l'aide d'un gros promoteur de spectacle français, à la Cigale, pour la somme déjà conséquente de 40 euros. Cette volonté de chercher à tout prix un nouveau rapport entre la musique et les fans, (l'artiste, le produit et son client), n'est pas sans rappeler l'attitude adoptée par Radiohead ces dernières années, attitude, qui a elle même symbolisé la perte d'inspiration du quintette d'Oxford au fil de leur discographie.

Alors bien sûr, Wu Lyf, dans le paysage musical actuel, a le mérite de tenter quelque chose de différent, et être populaire, tout en étant dans une démarche artistique à première vue intègre et non pré-mâchée, est tout à fait respectable. Néanmoins, ces quelques doutes et réflexions subsistent, à tel point qu'on en oublie presque la musique elle-même, tant la communication orchestrée et validée, même tacitement, par le groupe, tend vers le reste. Une fois le disque écouté, il reste une atmosphère, un son, mais pas beaucoup de chansons... Il sera intéressant de voir comment ce jeune groupe évoluera dans les mois à venir, face à leur triomphe annoncé, lors de cette année 2012, qui devrait être la leur.

Rob Gordon

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